L’habitat urbain dans l'Union soviétique à travers le cinéma soviétique, par Liudmila Piskareva, le jeudi 23 février 2017

Conférence par Liudmila Piskareva, doctorante en architecture à Paris et assistante et traductrice pour le projet Makhnovtchina d'Echelle Inconnue à l'est de l'Europe, "L’habitat urbain dans l'Union soviétique à travers le cinéma soviétique" :

Le régime totalitaire se caractérise non seulement par l’existence d’un seul parti politique, mais aussi par la création de la deuxième réalité. La réalité factice, construite par des moyens de propagande est dominante dans la sphère culturelle. Tout ce qui est dit, tout objet d’art, doit se coordonner avec la ligne idéologique du Parti. L’art est considéré par des idéologues soviétiques comme un des moyens de production de l’Homme Nouveau. L’artiste est nommé comme « ingénieur de l’âme humaine ». Et comme le rôle de l’art est si important, selon la logique de l’État totalitaire il est absolument impossible de le laisser sans direction générale.

Deux arts les plus dépendants du pouvoir sont le cinéma et l’architecture. Comme tous les matériaux de production et de travail sont nationalisés, l’autonomie de ces secteurs d’arts disparaît très vite. Ainsi, vers 1930 toutes les salles de cinéma privées et les studios de production de cinéma disparaissent. De la même façon, vers 1937, l'architecture de papier d’avant-garde est sévèrement critiquée, des architectes sont jugés, certains d’eux sont fusillés.

Mais est-ce que tous les créateurs suivent les demandes de fonctionnaires sans réflexions, sans tentatives d’éviter la censure ? Est-ce que le travail des professionnels (des architectes ou des cinéastes) ne reflète que la propagande ou bien arrivent-ils à montrer la réalité objective dans leurs œuvres ?

En effet, l’observation des films de fiction permet de restituer le lieu d’habitat comme un espace projeté, comparer la situation subie avec le concept idéologique. C’est dans des films de fiction qu’on peut regarder les métamorphoses qui se passent avec les notions « d’intimité », « de comportement acceptable » (etc.) selon le changement de ligne idéologique du Parti. En outre, les films de fiction permettent de relever des pratiques de différentes époques (comme, par exemple, le système de compensation spatiale).

C’est-à-dire, que le cinéma devient un moyen d’observation de l’architecture, un reflet des processus qui se passaient dans le lieu d’habitat. Mais en même temps, c’est un moyen qui relève la position officielle sur ces processus.


Cette soirée est la deuxième de l'Hiver Russe 2017 "Précipitons le temps où nous deviendrons tous des oiseaux" de janvier à mars 2017 :

Les corneilles, il y a 70 ans, encore nomades et presque absentes de nos villes, étaient jusqu’alors séparées entre les noires à l’ouest de l’Europe et les mantelées à l’est. Avant, car ces oiseaux désormais urbains nous ont pris de vitesse. Et l’on rencontre désormais, le long de leur frontière invisible qui ignore les états, des hybrides mi-noirs, mi-mantelés en prise eux aussi avec le phénomène métropolitain : un même peuple né d’un art : celui de la rencontre.

Pour la deuxième fois, pendant 3 mois, nous vous proposons, au delà des frontières et des états de voir et entendre l’autre ville Russe à travers ses arts : cinématographiques et actionnistes pour précipiter le temps où nous deviendrons tous des oiseaux.

Voir et entendre avec Valérie Pozner, la migration de la production cinématographique soviétique vers l'Asie Centrale pendant la Seconde Guerre mondiale.

Voir et entendre à travers les films russes de fiction ce que fut l’expérience du logement communautaire au lendemain de la révolution d’octobre. Avec Liudmila Piskareva.

Voir et entendre avec l’artiste Pavel Mitenko ce que fut le mouvement d’art actionniste au lendemain de la chute de l’URSS jusqu’à ses dernières manifestations portées entre autres, dans l’espace public, par les groupes Voïna ou Pussy Riot.

Voir et entendre enfin l’autre Moscou à travers nos derniers films réalisés en Russie.

En savoir plus sur cet hiver franco-russe d'Echelle Inconnue ICI